Karsthartique !
Un réseau souterrain
En Franche-Comté, comme dans beaucoup d’autres régions du monde, une partie de l’eau qui ruisselle en surface pénètre dans le sous-sol calcaire (roche fracturée et soluble à l’eau) et alimente un réseau souterrain appelé aquifère karstique.
En eaux troubles
Les aquifères karstiques forment une formidable réserve en eau douce et alimentent de nombreux points de captage pour la consommation d’eau potable. Cependant depuis quelques années la qualité des eaux qui y sont prélevées a diminué. Pour comprendre ce phénomène, des chercheurs du laboratoire Chrono-environnement réalisent un suivi de plusieurs sources karstiques en s’intéressant à différents paramètres (débit, température, turbidité*, conductivité électrique, composition chimique) des eaux de sortie selon l’évolution des conditions d’entrée.
Pour établir l’origine et les facteurs favorisant la pollution des eaux karstiques, les scientifiques utilisent des sondes et des prélèvements automatiques d’échantillons d’eau qui leur permettent de mesurer notamment la concentration de certaines substances telles que le nitrate, les métaux lourds ou le carbone dissout. Puis ces données sont mises en relation avec les relevés des conditions (pluviométrie, température, épandage d’engrais) aux endroits où les eaux qui alimentent cette source ont pénétré dans le sol. Grâce aux résultats de de ces études, des pistes sont dégagées pour mieux gérer et préserver les ressources locales en eau.
Le projet Jurassic Karst est coordonné par Marc Steinmann au sein du laboratoire Chrono-environnement (UMR 6249 CNRS/UFC).
Un gruyère géologique…
Avec les années, les roches calcaires subissent des érosions liées à l’eau, ce qui crée cette structure géomorphologique particulière qu’est le karst. En sous-sol le karst est caractérisé par un ensemble de cavités plus ou moins larges qui peuvent former des galeries horizontales ou des puits verticaux dans lesquels l’eau va circuler ou se stocker.
Une fois dans ce réseau, l’eau s’y écoule et y passe un certain temps avant de ressortir au niveau de sources et résurgences qui alimentent ou donnent naissance à des cours d’eau. Les résurgences sont des sources alimentées par les pertes en eau d’une autre rivière sans qu’aucun point de contact ne soit visible en surface. Par exemple l’eau de la Loue (rivière de Franche-Comté) provient d’une déperdition d’eau au niveau d’une faille sur le parcours du Doubs. Depuis les années 70, des bureaux d’études, collectivités, associations de spéléologues ou organismes de recherche enquêtent sur ces circuits cachés en opérant de nombreux traçages. Par l’injection d’un colorant les hydrogéologues peuvent révéler quel point d’entrée du karst (doline, aven d’effondrement, perte d’un ruisseau ou d’une rivière) alimente quelle source et retracer ainsi le réseau invisible de circulation et d’alimentation des cours d’eau.
Turbidité (n.f.) :
Grandeur mesurant le caractère plus ou moins trouble d’un liquide.
Le terme karst provient d’un haut plateau calcaire en Slovénie appelé « Kras » et germanisé au 19e siècle en karst par les géologues de l’empire austrohongrois.
Et aussi…
C’est grâce à l’incendie d’une usine de production d’absinthe que le lien entre le Doubs et la Loue a pu être mis en lumière en 1901. Pour éviter que le feu ne devienne complètement incontrôlable, les pompiers ont vidé les cuves d’absinthe (très inflammable) dans le Doubs. Quelques jours plus tard la Loue s’était teintée de jaune et dégageait une forte odeur d’absinthe…