Plantes et champignons

Un couple presque parfait

Sous terre des champignons et les racines de plantes s’associent très étroitement pour former une mycorhize, une structure mixte qui permet des échanges bénéfiques pour les 2 organismes et qui peut les doter de facultés supplémentaires. Philippe Binet, chercheur au laboratoire Chrono-environnement tente de comprendre et de caractériser les échanges qui s’opèrent dans cette symbiose et certaines des propriétés surprenantes qu’elle apporte.

Mycorhize sous contrôle

Lorsque des plantes sont en concurrence pour coloniser un même milieu, elles peuvent entrer en conflit via des molécules produites par leur métabolisme dit secondaire (car non essentiel aux fonctions de base). Le rôle de ces composés n’a cependant rien d’anecdotique et est d’ailleurs à la base d’une discipline à part entière : l’écologie chimique.

Certaines de ces molécules appelées polyphénols (parmi les plus connus on peut citer les tannins), permettent à la plante d’interagir avec son environnement. Ils peuvent notamment lui servir à se défendre contre des micro-organismes pathogènes ou contre les herbivores, à attirer les insectes pollinisateurs, à communiquer, ou bien, comme dans l’exemple suivant à limiter la mycorhization d’une autre plante concurrente.

En Franche-Comté, au sein de tourbières (zone humide, colonisée par la végétation, dont le sol constitué d’un dépôt de tourbe est très pauvre en minéraux disponibles pour les plantes), des Sphaignes et des Andromèdes se livrent un combat sans merci par mycorhizes interposés pour la conquête de l’habitat et de ses nutriments. Pour comprendre ce qu’il se passe en sous-terrain, Philippe Binet et ses collaborateurs étudient les paramètres et les substances qui entrent en jeu dans la colonisation des tourbières par ces deux espèces. Ils ont ainsi montré que les polyphénols produits par la Sphaigne sont capables d’inhiber le développement de la mycorhize de l’Andromède et ainsi freiner sa conquête du terrain.

Dans le cas des Sphaignes et des Andromèdes, Philippe Binet a mis en évidence que la production de ces polyphénols par la Sphaigne est d’autant plus importante que l’Andromède occupe du terrain en surface alors qu’elle se réduit quand l’Andromède n’est que peu présente dans la zone. La production des polyphénols par la Sphaigne inhibiteurs pour l’Andromède, ne doit donc rien au hasard mais semblent bien avoir pour but de garder le contrôle sur la tourbière. Pas cool la sphaigne !

Ce projet est porté par Philippe Binet au laboratoire Chrono-environnement (UMR 6249 CNRS/UFC).
La mycorhize ?

En s’alliant avec un champignon il y a plus de 400 millions d’années, les plantes jusque-là exclusivement aquatiques ont pu sortir de l’eau et commencer à coloniser la terre ferme. Cette association étroite qui perdure encore aujourd’hui chez plus de 85% des végétaux terrestres entre leurs racines et des champignons porte le nom de mycorhize (de mycos : champignon et rhyza : racines en grec). Et comme les 2 individus (la plante et le champignon) tirent bénéfice de ce mariage on parle de symbiose mycorhizienne.

Cette symbiose repose sur des échanges mutuels : le champignon en augmentant jusqu’à 1 000 fois le volume de sol exploré par les racines du végétal va permettre de fournir de l’eau et des minéraux (phosphore, azote, potassium…) à la plante qui en échange va l’alimenter avec une partie du sucre qu’elle produit grâce à la photosynthèse. Malgré tout il ne s’agit pas d’altruisme, si l’un des deux partenaires n’est plus utile à l’autre, l’accord tacite devient caduc. Par exemple, si le sol est rendu très riche en minéraux (par l’apport d’engrais) assimilables directement et facilement par la plante, cette dernière ne détournera plus les sucres issus de la photosynthèse vers les champignons qui lui fournissaient ces minéraux jusque-là. La plante va alors progressivement perdre sa dépendance mycorhizienne et au contraire devenir dépendante aux engrais.

Au-delà du bénéfice direct pour la plante et ses champignons, la mycorhize en formant un véritable réseau souterrain, permet aux végétaux d’une même espèce ou non, d’échanger, des informations, ou des nutriments. Par exemple, si une plante est confrontée à un organisme pathogène, les végétaux en lien avec elle par le biais du réseau mycorhizien, en seraient informés et pourraient préparer une réponse à cette menace avant même d’y être exposés.

Réseaux et Recherche en 3 questions
à Philippe Binet, chercheur en écologie chimique

En savoir +

Certaines mycorhizes forment un réseau de ramifications très fines mais d’autres, les ectomycorhizes, entourent les racines d’une sorte de manchon ce qui donne des formes dites en « doigts de gant ».

Le saviez-vous ?

La truffe noire tant appréciée des fins gourmets est l’ascocarpe (appareil reproducteur) de la mycorhize formée entre le champignon Tuber melanosporum et les racines d’un arbre comme le chêne ou le noisetier.